Construire la ville sur la ville

L'idée d'une croissance illimitée en tant que paradigme du développement urbain doit être surmontée afin de proposer une autre manière d'utiliser la ville" (Prats, 1997).

Face à une période où s'est imposé un "urbanisme expansif", des réflexions émergent qui proposent un urbanisme "austère et de renouvellement".

Un urbanisme qui tend, en priorité, au recyclage, à la conservation et à la transformation des structures urbaines existantes plutôt que de recourir constamment à la croissance comme seul argument territorial pour apporter des solutions aux problèmes de la ville. Ces réflexions démontrent l'absolue nécessité de changer radicalement notre façon de penser, de planifier et de gérer l'urbanisme dans nos villes. L'urbanisme durable est basé sur la revitalisation urbaine et sur la régénération des périphéries et des zones périurbaines ainsi que sur la réutilisation des espaces centraux devenus obsolètes. 

L'étalement urbain ou la périurbanisation.

L'étalement urbain est la marque irréfutable d'un urbanisme non durable. Il rend la voiture indispensable pour les déplacements. Ainsi, les habitants des périphéries consomment plus d'énergie et perdent plus de temps dans les transports que les habitants des centres d'agglomérations. (Newman et Kenworthy, villes et dépendance à la voiture,1989) De plus, l'extension de la ville sur des espaces naturels met en péril l'équilibre environnemental de la Région. L'objectif prioritaire d'un urbanisme durable doit être de minimiser l'anthropisation des sols. Il est important de traiter la ressource foncière comme une ressource précieuse qu'il convient d'utiliser efficacement.

Cependant le choix d'habiter loin des centres trouve plusieurs justifications : la recherche de maison individuelle avec jardin ou le délaissement des centres urbains paupérisés qui n'incitent pas les habitants au retour à la ville. 

La densité

La densité peut être approchée par de nombreux indicateurs : coefficient d’occupation du sol, logements /hectare, habitants/ hectare, habitants+emplois /hectare, et à différentes échelles : îlots, parcelle, quartier, commune, aire urbaine. Ces indicateurs pris individuellement sont insuffisants pour qualifier la ville. Pour lutter contre l'étalement urbain, certains urbanistes ont prôné une densification à outrance de la ville. Cependant, une surdensité peut paradoxalement favoriser l'étalement urbain. Elle induit une augmentation des coûts de l'immobilier qui entraînent les familles les plus modestes à déménager en périphérie. De plus, une surdensification ne permet pas de prévoir les équipements collectifs nécessaires, surtout en ce qui concerne les espaces verts. La réflexion s'est alors portée sur la masse critique de population qui permet le confort urbain et des équipements efficaces. C'est la raison pour laquelle l'aménagement durable vise à promouvoir des structures urbaines compactes et multifonctionnelles. 

La compacité

La compacité aboutit à réinventer une unité urbaine élémentaire dans un rayon de moins de 1 km autour d’un centre de proximité desservi par une station de transport collectif. Elle nécessite une organisation polycentrique au niveau de la ville et une mixité fonctionnelle qui apportent une animation continue, une diversité des populations et une variété des formes architecturales. La mixité fonctionnelle est ce qui distingue un quartier vivant et animé d’une cité dortoir perdue au milieu de nulle part. 

La compacité polarisée peut être entourée d’espaces naturels et donc se traduire par des densités statiques relativement faibles. La compacité détermine le confort urbain, la mixité fonctionnelle et la connectivité. C'est la ville de proximité et des courtes distances. 

La ville polycentrique 

La ville durable doit avoir une structure polycentrique composée de centralités hiérarchisées (primaire, secondaire, locale au niveau du quartier), reliées aux nœuds du transport public et proposant une mobilité piétonne de qualité. Chaque niveau de centralité doit proposer une multifonctionnalité et une mixité d'usages. Le polycentrisme est l'expression morphologique de la complexité fonctionnelle. Il complète la densité pour renforcer et expliquer la notion de compacité.  

"Il est essentiel de parvenir à un mélange équilibré d'usages dans le quartier et dans la ville, afin que les distances que les résidents doivent parcourir pour répondre à leurs besoins quotidiens soient aussi réduites que possible. L'un des objectifs centraux du processus de planification de l'écocité est de parvenir à un juste équilibre parmi des bâtiments résidentiels, lieux de travail et équipements éducatifs et de loisirs (...) La combinaison générale et équilibrée des usages doit s'accompagner d'une répartition spatiale adéquate." (Gaffron et al, 2005:31).


Ville polycentrique : Les grands équipements permettent de créer des polarités primaires pour la ville. Notamment, il est proposé de situer l'université au centre sur l'itinéraire civique afin d'améliorer la mixité fonctionnelle de la ville. Les villes de Nantes et Boston ont rapatrié les activités universitaires dans leur patrie centrale. Elles ont compris que la présence étudiante est un élément essentiel de l'urbanité. 

Un exemple : la ville de Dakhla au Maroc. 

Cette étude sur la ville de Dakhla a été réalisée conjointement entre le bureau ARAU et TYC (Territorio Y Ciudad). L'objectif de l'étude est de promouvoir un modèle d'écocité pour Dakhla. 

Dakhla est située à l’extrême Sud du Maroc (23° 43 de latitude Nord et 15° 56 de longitude Ouest). Elle se développe sur une étroite péninsule qui s'étend sur environ 40 km et de 2 à 5 km de large parallèlement à la côte atlantique, direction nord-est sud-ouest, formant une baie exceptionnelle d’environ 400 km².  (inscrite en 2005 sur la liste Ramsar des zones humides, en raison de son importance internationale pour la conservation des oiseaux migrateurs). C'est une Ville Région de 120.000 habitants qui connait une forte croissance démographique, d'environ 6%/an. 39,6% de la population est âgée de moins de 20 ans. Sa superficie est de 868,6 Ha avec 60% de zonages résidentiels et 9,2% de zonage d’équipements ou 6,67m²/hab. La morphologie du tissu urbain est déterminée par les différents  programmes de lotissements de parcelles de 80 à 100m²: c’est une ville monotone. Son parc logement est de 25.469 logements; Sa densité brute est de 30 logt/Ha ou 120 Hab/Ha. Le ratio des espaces verts est de 2m²/hab; L’indice de perméabilité est de l’ordre de 16,5%. L’essentiel de l’emploi repose sur le tertiaire et sur les activités liées à la pêche. Le développement touristique s’est en grande partie développé sous forme de stations touristiques avec peu de retombée économique sur la population et de nombreux problèmes écologiques; La ville est reconnue comme premier spot pour le kitesurf. Son climat est aride tempéré caractérisé par l’absence de pluie, une humidité nocturne, 200 jours de vents et 300 jours d’ensoleillement.

La première observation a été de constater que la ville devait donner la priorité à la densification des quartiers résidentiels, à la réhabilitation du centre historique, à la mise en valeur du front de la lagune et à la reconversion de la zone industrielle afin de préserver ses espaces naturels de grande qualité. 

En effet, le potentiel de la ville existante permet de répondre aux besoins en logement pour les 8 prochaines années. Dans un premier temps, il faut « Construire la ville sur la ville » tout en améliorant la qualité de vie dans les espaces résidentiels avec la réurbanisation des différents quartiers en espace de coexistence qui permet de récupérer l’espace public au profit des habitants et d’aménager un centre pour chaque quartier répondant aux besoins du quotidien (aménagement de place, commerces quotidiens, marché à l’air libre avec l’organisation des marchands ambulants, espaces verts et de jeux de proximité, arbres d’alignement, équipements de proximité). Le front de la lagune doit être aménagé comme un itinéraire civique. Le grand potentiel paysager lui confère la capacité à devenir l'espace public principal de la ville reliant les différents équipements structurants : le quartier administratif, le théâtre, le port de plaisance, la future université.  Cet itinéraire sera organisé comme un parc linéaire permettant à la fois la mobilité piétonne et la connectivité biologique. 

La reconversion fonctionnelle de la zone industrielle doit être envisagée, car très probablement les unités industrielles liées à la pêche déménageront sur le site du nouveau port Atlantique situé à 60 km au Nord. L'objectif est d'encourager l'installation de nouvelles activités (parc logistique et technologique), d'introduire des services collectifs et de doter le quartier d'un système de transports collectifs. 


La ville durable doit être une écocité à chaque période de son développement. Le phasage permet d'anticiper.


Il y a donc lieu d'être austère pour la planification de nouvelles zones à urbaniser. L'objectif de la planification est d'anticiper et de prévoir les extensions en continuité directe avec la ville et ses réseaux. L'accessibilité doit être assurée par les transports publics. Dans le cas de Dakhla, il est impératif d'éviter l'effet "Donuts" et d'étendre la ville autour de l'aéroport. Ce dernier deviendrait une barrière infranchissable et causerait de nombreux problèmes d'infrastructures.

En conclusion, toute ville peut devenir une ville durable, même une ville comme Dakhla, située en plein désert. Il suffit de s'en donner les moyens.   


Équipement de loisir : bien qu'entourée par la lagune et l'océan, la ville de Dakhla n'a pas de plage accessible pour la population. Le projet d'écocité propose donc la réalisation d'une plage.  



pour aller plus loin 



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